Floyd Fiction - 2/2
Trois gosses, 7 ans à peine, assis sur un trottoir, les jambes qui balancent dans le vide. Devant eux, les tours. Grandes. Imposantes. Mais ce soir, elles brillent. Un arc-en-ciel les éclaire, comme un dessin d’école. Le béton, d’habitude gris, a des couleurs, pour une fois.
Kévin mâchouille une tige d’herbe, l’air sérieux. « T’as vu ça ? On dirait des trucs magiques, comme dans les histoires. »
Samir éclate de rire, avec sa casquette trop grande vissée sur la tête. « Ouais, magique… Genre elles vont s’envoler ou quoi ? T’es trop bête, sérieux. » Il lance un caillou, qui atterrit mollement sur le goudron.
Djibril, lui, regarde les tours. En silence. Il plisse les yeux, comme si l’arc-en-ciel cachait un secret. « Moi, je crois que c’est un signe. »
Samir se tourne vers lui, en rigolant. « Un signe de quoi ? Qu’on va être riches ? Qu’on va vivre tout en haut, là-haut, comme dans les films ? »
Kévin lève le menton, inspiré. « Moi, j’y crois. Peut-être qu’un jour, ce sera à nous, ces tours. Genre, c’est nous qu’on les fera briller. »
Samir roule des yeux. « Arrête avec tes trucs de héros. Nous, on monte même pas à l’ascenseur sans la vieille Madame Dupont qui râle. »
Mais Djibril, il sourit, tranquille. « Peut-être pas tout de suite. Mais dans 20 ans, tu verras. »
Samir fronce les sourcils. « 20 ans ? C’est loin. »
Kévin hausse les épaules. « On s’en fout. Dans 20 ans, on se retrouve ici. Promis. On verra où on en est. »
Ils se regardent, sérieux pour une fois, et se tapent dans la main. « Promis. »
Les tours continuent de briller sous l’arc-en-ciel. Les gosses restent là, à rêver, à rigoler. Parce qu’à cet âge-là, tout semble possible. Et dans 20 ans, c’est une éternité… Mais ce soir-là, ils s’en foutent. Ils se disent juste à dans 20 ans.